mercredi 30 octobre 2013

Petit guide pratique du Redressement Judiciaire



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Le Redressement Judiciaire, ou RJ pour les initiés, est une des quelques procédures proposées par le Code du Commerce pour gérer une entreprise qui connaît des difficultés. Même si en pratique le fait qu’une entreprise rentre dans cette procédure est souvent signe d’une mort annoncée, il existe cependant des cas où elle peut lui permettre de se restructurer en mettant provisoirement de côté ses créanciers.



Qu’est ce que le RJ ?

Techniquement, il s’agit d’un « Redressement », donc d’une tentative de redresser l’entreprise qui jusque là s’enfonçait dangereusement. Mais le second terme est aussi important que le premier, c’est le mot « Judiciaire ». Cela signifie que c’est le Tribunal de Commerce qui prend la main.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on parle de Dépôt de Bilan, ce qui signifie, de manière symbolique, que le chef d’entreprise remet les bilans de son entreprise au Tribunal de Commerce, un peu comme les habitants d’une cité remettaient les clefs de la ville à l’armée ennemie en espérant la clémence de celle-ci …

Donc, après avoir rempli quelques formulaires qui donnent un état des dettes et des créances  de l’entreprise, le chef d’entreprise doit être prêt à défendre l’avenir de son entreprise face aux juges. Pour cela il devra leur démontrer que même si l’entreprise est en état de cessation des paiements (pour faire simple qu’elle a plus de dettes que de créances), elle est en capacité de se redresser moyennant quelques restructurations.



La période d’observation

Le Tribunal de Commerce, même s’il est composé de chefs d’entreprises, ne peut croire a priori ce que dit le chef d’entreprise. Il se donne donc un peu de temps pour observer ce qui se passe.

Sont alors nommés plusieurs personnages qui vont assister le chef d’entreprise pendant cette période :
  • un Juge Commissaire, qui permettra à l’entreprise de continuer une vie « normale » après l’ouverture de la procédure (possibilité de signer un contrat, possibilité de céder des actifs, possibilité d’ouvrir un compte, etc.)
  • un Administrateur Judiciaire qui, comme son nom l’indique, co-administrera l’entreprise avec le chef d’entreprise, c’est lui qui co-signera les chèques par exemple ou qui autorisera ou non les virements. Sa responsabilité étant engagée, il pourra, s’il perçoit une dégradation de l’activité, chercher un repreneur pour l’entreprise ou demander au Tribunal sa mise en Liquidation Judiciaire
  • un Mandataire Judiciaire, qui représente les créanciers et qui va donc négocier avec eux un futur étalement des dettes


La vraie difficulté pour le chef d’entreprise pendant la période d’observation est double :

  • il n’a pas le droit de faire des dettes nouvelles, faute de quoi l’entreprise sera liquidée automatiquement
  • il doit continuer à gérer (ou co-gérer avec l’Administrateur Judiciaire) son entreprise sans encours fournisseurs, avec des clients qui s’enfuient et avec un personnel sous le choc !


Cependant, la restructuration qui doit nécessairement être mise en place pourra être gérée par l’Administrateur Judiciaire ce qui soulagera d’autant le chef d’entreprise. Psychologiquement, il sera en outre plus « facile » de procéder ainsi car les décisions de licenciement seront prises par l’Administrateur Judiciaire et gérées par lui.

La période d’observation dure au minimum 6 mois et peut être étendue à 12 voire 18 mois dans certains cas.
Etant donné que tout est gelé pendant cette période, y compris les prêts bancaires, l’entreprise a donc intérêt à demander une période d’observation la plus longue possible …


Le plan de redressement

Si l’entreprise n’a pas fait de dettes nouvelles et qu’elle s’est restructurée, il reste une dernière étape à franchir : la présentation d’un plan de redressement.

Les dettes accumulées par l’entreprise et qui ont conduit à l’ouverture de la procédure de RJ doivent être remboursées aux créanciers. C’est donc ici qu’intervient le Mandataire Judiciaire. Il aura certes négocié avec les créanciers, mais toutes les dettes ne seront pas effacées, loin s’en faut.

Il faudra donc mesurer la capacité que l’entreprise restructurée aura de rembourser lesdites dettes. Prenons par exemple une entreprise avec 500 k€ de dettes qui pourront être remboursées sur 10 ans. Cela signifie que l’entreprise devra être en capacité de sortir 50 k€ chaque année pour honorer son plan de remboursement.

Si le Tribunal trouve que cela n’est pas possible, alors il n’y aura pas de plan de redressement et l’entreprise sera liquidée. Si en revanche, les juges estiment qu’elle peut rembourser ses dettes, alors, l’entreprise passera sous plan de redressement !


En pratique

Il faut bien garder en tête que toutes ces procédures judiciaires sont loin d’être anodines pour le chef d’entreprise et pour sa société.

En effet, parmi les effets collatéraux non négligeables on trouve :

  • une perte de confiance de la part de l’environnement de l’entreprise : entre les clients qui ont un doute sur sa pérennité, les fournisseurs qui auront été « plantés » et les salariés qui auront été traumatisés par les licenciements qui auront et lieu, il est difficile de sortir indemne d’un RJ
  • si l’entreprise est habituée à répondre à des appels d’offres elle devra mentionner le fait qu’elle est en RJ (une case à cocher est prévue à cet effet). Officiellement, cela n’a qu’un but d’information, mais en pratique, cela l’exclura de bien des marchés
  • si le dirigeant de l’entreprise est caution à titre personnel de dettes contractées par son entreprise, il sera appelé pour les rembourser et devra donc gérer de front deux sujets : le redémarrage de son entreprise et ses cautions …
  • l’Administrateur Judiciaire pourra rechercher un repreneur pour l’entreprise ou pour ses actifs s’il estime qu’elle ne pourra pas s’en sortir. Le chef d’entreprise risque alors de tout perdre sauf à considérer qu’il restera dans la nouvelle structure comme salarié …
  • la France stigmatisant l’échec, le chef d’entreprise passera quelques temps pour un paria et cela n’est pas forcément facile à vivre !
  • la Banque de France enfoncera le clou en donnant une note très basse à l’entreprise ce qui rendra impossible toute négociation sérieuse avec des fournisseurs travaillant avec des assureurs-crédits


Mais parmi les points positifs, il faut noter :

  • cela permet de restructurer de manière très importante son entreprise à moindre coût car les frais liés à la restructuration, pour peu qu’ils soient antérieurs à l’ouverture de la procédure, seront pris en charge par les AGS-CGEA et ne seront à rembourser que dans le plan, c’est-à-dire étalés sur 10 ans
  • cela permet de se remettre en cause et de sortir plus fort de cette épreuve pour rebondir
  • généralement, le Tribunal de Commerce et les personnages cités plus haut sont des professionnels qui pourront conseiller efficacement le chef d’entreprise et lui faire prendre conscience de certaines réalités, ce qui toujours positif à terme …


Entrer dans une procédure de type Redressement Judiciaire est une épreuve dont on sort transformé. Soit l’entreprise passe le cap  et elle peut repartir sur une nouvelle voie, plus forte et plus saine qu’avant, soit elle disparaît car le mal dont elle souffrait était trop grand et le chef d’entreprise devra en tirer les leçons pour l’avenir. Certes la mentalité française qui stigmatise l’échec n’aide pas, mais des associations comme Second Souffle ou 60 000 Rebonds sont là pour aider le chef d’entreprise.

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